La crise sanitaire d’aujourd’hui nous oblige plus que jamais à réfléchir à la résilience de nos projets. Il s’agit de concevoir des bâtiments (neufs ou rénovés) qui pourront facilement s’adapter aux aléas de demain, qu’ils soient climatiques ou socio-économiques. De même, une réflexion doit être menée quant à l’usage de certaines ressources [1], dont la disponibilité semble de plus en plus compromise. Dans ce cadre, de nouvelles approches voient le jour et suggèrent une gestion globale et durable, des prémisses du projet immobilier à sa démolition.
Petit plongeon dans les principes et outils de l’éco-conception.
Mmh?
Dans le secteur de la construction/rénovation, l’éco-conception vise à optimiser l’utilisation des matériaux en tenant compte de l’impact environnemental de chaque étape du cycle de vie d’un produit ou d’un service. La réflexion commence donc dès le choix des matériaux : D’où viennent ces matériaux ? Comment sont-ils extraits ? Quelle quantité utiliser ? Sont-ils réparables ou réutilisables ?
Selon la norme européenne ISO 14040, « l’analyse de cycle de vie (ACV) traite les aspects environnementaux et les impacts environnementaux potentiels tout au long du cycle de vie d’un produit, de l’acquisition des matières premières à sa production, son utilisation, son traitement en fin de vie, son recyclage et sa mise au rebut ».
« OK mais concrètement, cela donne quoi ? », nous direz-vous. L’ACV apporte des indications qui aident à déterminer, par exemple, les matériaux à préférer pour une réduction de la consommation d’énergie et des ressources, ou qui ont un faible impact sur l’environnement et la santé humaine.
En Belgique, la classification NIBE (la plus répandue) est un système de classification écologique pour les matériaux de construction, développé par le bureau d’ingénieurs Nederlands Instituut voor Bouwbiologie en Ecologie. Celle-ci permet de réaliser une comparaison chiffrée de matériaux sur base d’une ACV qui tient compte de données quantitatives (comme la consommation d’énergie) et de données qualitatives (comme les nuisances sonores ou l’impact sur la qualité du sol et du paysage). A titre informatif, le concours « Bâtiments exemplaires » de Bruxelles Environnement utilise la référence NIBE pour établir les priorités dans le choix des matériaux.
D’autres pays, tels que la Suisse, le Royaume-Uni ou l’Autriche, ont eux aussi créé un outil de classification nationale. Noyés par tous ces outils ? Allez, tenez bons ! Puisqu’il y a une bonne nouvelle: une harmonisation est en cours au niveau européen. Et qu’une série de labels et de certifications peuvent aider le consommateur (professionnel ou particulier) dans ses choix ; notamment la norme ISO 14.020 “Environmental labels and declarations”.
Ah !
Mieux encore : en 2018, la Belgique et ses trois régions ont mis sur pied l’outil TOTEM (Tool to Optimise the Total Environmental impact of Materials) qui vise à développer une méthode et des outils d’évaluation de l’impact des matériaux spécifiques au secteur belge de la construction. L’objectif est simple : « optimiser les projets de construction en permettant de modéliser et comparer différentes variantes afin de faire le choix des matériaux les plus adéquats possibles ». Exemple :
Le BIM (Building Information Modeling) permet d’aller un pas plus loin dans la mise en commun d’informations. Cette grande base de données numérique du bâtiment en 3D offre l’opportunité aux différents partenaires d’un même chantier de mutualiser, non seulement les données sur les matériaux, mais aussi les maquettes numériques du projet, et de les faire évoluer au fur et à mesure de l’avancée de celui-ci. Les informations sont ainsi mises à jour et disponibles à tout moment. Dingue hein ? Il est alors plus facile d’anticiper et de dimensionner de manière précise le projet et ses impacts environnementaux. Au-delà du gain économique, l’avantage majeur du BIM est lié aux simulations énergétiques : plus elles sont précises et efficaces, plus les acteurs auront la possibilité de faire les bons choix de matériaux et d’équipements, dans le but d’optimiser la performance énergétique du bâtiment.
Oh !
Et ce n’est pas fini ! Outre l’approche des matériaux, l’éco-conception se retrouve également à une échelle plus large comme celle de la fonctionnalité d’un projet immobilier : l’heure est aux Bâtiments à Affectations Multiples [2]. BAM ! Ce concept novateur consiste à concevoir le bâtiment sous forme de systèmes modulaires de façon à pouvoir aisément le réaffecter. L’intérêt ? Le bâtiment pourra s’adapter à l’évolution des besoins de la société. On pense notamment à ces projets qui visent à faire cohabiter le logement avec d’autres types d’activités tel que le bureau ou l’hôtellerie.
Pensons plus large encore : quel peut être l’apport de l’éco-conception au niveau d’un quartier, voire même d’une ville ? Un éco-quartier ou quartier durable va, en effet, au-delà du simple fait de regrouper des bâtiments éco-conçus : il encourage une participation citoyenne dans les différents processus d’élaboration, intègre des enjeux de mobilité, favorise une mixité fonctionnelle et sociale.
On pense notamment au quartier Tivoli en Région bruxelloise dont il est dit : « Au final, Tivoli constitue un exemple parmi d’autres d’un processus en cours pouvant être qualifié d’« écologisation de l’architecture ». Il s’agit de minimiser les impacts environnementaux en les pensant en termes de flux et en modifiant les logiques de production et de fonctionnement des bâtiments, et de ne pas de se contenter des approches par correction a posteriori des nuisances. Plus encore, certains impacts environnementaux, en particulier énergétiques, doivent être réduits au maximum des possibilités qu’offrent les techniques » [3].
En Région bruxelloise, la plateforme Be Sustainable rassemble des outils de référence en matière d’éco-quartier et de ses composantes (environnementale, spatiale, économique et sociale) et propose un accompagnement adapté aux étapes d’élaboration d’un tel projet en d’adressant tant aux décideurs qu’aux développeurs et aux concepteurs.
En Région wallonne, on parlera de Référentiel Quartiers Durables. Ce référentiel intègre toute une série de critères (25 au total, dont 20 minimum par projet et 5 obligatoires pour se prétendre quartier durable) qui abordent la durabilité autour de 5 thématiques principales (potentialité du site, utilisation des ressources, milieux naturels, aménagements du quartier, mixité et participation).
Waouw !
On le voit, et on ne peut que s’en réjouir, l’éco-conception s’impose de plus en plus comme une évidence dans le secteur de la construction/rénovation. Des outils et des offres d’accompagnement se mettent en place au niveau régional, national et européen pour soutenir les différents acteurs vers toujours plus de résilience. Convaincue par l’importance de ce principe, ADVISTA l’intègre dans ses conseils et études, à la mesure des dossiers qu’elle accompagne. Le but ? Préparer demain au mieux !
[2] CITYDEV : Goujons, dernière phase du programme CityGate I – https://www.archiurbain.be/?p=7136
[3] Arnaud Bilande, Cynthia Dal, Ludivine Damay, Florence Delmotte, Julie Neuwels, Christine Schaut and Anne-Laure Wibrin (2016), Tivoli, quartier durable : une nouvelle manière de faire la ville à Bruxelles ?