A ne pas manquer !
Sur toutes les tables de chevet (ou presque) devrait bientôt apparaître un ouvrage de 1.259 pages paru aux éditions UE/UK fin décembre. Il s’agit de l’accord commercial réglant les relations entre Bruxelles et Londres à la suite du Brexit.
Mais quel est donc son impact pour vos activités ? Sauf surprise, permis d’environnement, permis unique, étude d’incidences et certifications BREEAM peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Le sujet est en revanche plus préoccupant pour les entreprises qui fabriquent, importent ou utilisent des produits chimiques. Plusieurs sociétés nous ont consultés à ce propos ces dernières semaines.
Dans cet article, nous allons lever le voile sur certains des enjeux en la matière.
REACH et CLP, vous disiez ?
REACH est le nom d’un règlement européen sur les substances chimiques, applicable dans l’ensemble des États membres depuis le 1er juin 2007. Il régit notamment l’enregistrement des substances chimiques auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Le n° d’enregistrement délivré au fabricant ou à l’importateur est le sésame nécessaire à leurs produits pour accéder au marché européen.
Le règlement CLP impose quant à lui aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval (downstream users) de substances ou de mélanges de procéder à la classification (Classification), à l’étiquetage (Labelling) et à l’emballage (Packaging) de leurs produits chimiques dangereux avant leur mise sur le marché. Cette dernière peut concerner tant des processus industriels ou professionnels que votre vie quotidienne.
Trombinoscope
Vous l’aurez compris : les obligations au regard de REACH et du CLP dépendent du rôle occupé par l’entreprise dans la chaîne d’approvisionnement, de la fabrication (ou de l’importation) d’une substance à la mise sur le marché d’un produit chimique ou d’articles (appareils électriques, vêtements…) [1].
REACH et CLP distinguent les rôles suivants :
- Le fabricant de substances chimiques (pigment, métal, solvant, huile…) ;
- L’importateur : l’entreprise qui achète des produits provenant de l’extérieur de l’Union européenne/ Espace économique européen (UE/EEE). Il peut s’agir de substances chimiques, de mélanges de substances (produits de nettoyage, peintures…) ou d’objets finis (articles) ;
- Les utilisateurs en aval : ils font usage de produits chimiques dans le cadre d’activités industrielles ou professionnelles.
Petit rappel : REACH assigne aux fabricants et importateurs l’obligation d’enregistrement des substances chimiques.
Et le Brexit dans tout ça ?
Bye bye registrations
Son impact le plus immédiat est la révocation, à compter du 01/01/2021, de tous les enregistrements (registrations) réalisés par les entreprises britanniques auprès de l’ECHA. Dès lors, si une telle entreprise souhaite poursuivre la mise sur le marché de ses produits chimiques sur le territoire européen, elle dispose de 2 options :
- Désigner, sur le territoire européen, un représentant exclusif (only representative) qui va assumer les obligations d’enregistrement pour son compte ;
- Déplacer son activité de fabrication vers une entité légale implantée sur le territoire européen et y transférer les enregistrements réalisés par ses soins.
Si l’une de ces options n’est pas mise en œuvre, il reste une 3ème possibilité au fournisseur britannique : faire porter l’obligation d’enregistrement par ses clients européens. Par le Brexit, ces derniers passent en effet du « simple » statut d’utilisateur en aval à celui d’importateur.
Vous vous demanderez sans doute si, dans ce contexte, il existe une alternative à l’enregistrement pour les entreprises européennes ? Nous vous répondrons : abandonner le fournisseur britannique au profit d’un fournisseur européen qui a déjà procédé à l’enregistrement de la ou des substances concernées. Mais ceci ne sera pas réalisable dans tous les cas : l’ECHA a en effet répertorié quelque 650 substances enregistrées par des entreprises britanniques seulement, ce qui fait actuellement d’elles des fournisseurs uniques sur le territoire européen.
Joint submission : what’s next ?
REACH impose que toutes les entreprises qui enregistrent la même substance soumettent, dans un premier temps, une partie des données attendues par l’ECHA. C’est ce qu’on appelle la Joint submission. Cette soumission conjointe est effectuée par un importateur/fabricant de ladite substance au nom de tous les autres. Il porte le nom de Lead registrant (déclarant principal). Chaque entreprise complète ensuite l’enregistrement de « sa » substance par des données qui lui sont propres.
Dans de nombreux cas, rencontrés par certains de nos clients, le Lead registrant est une entreprise britannique, par ailleurs propriétaire des données qui ont permis la constitution du dossier conjoint. Si celle-ci ne prend pas les mesures nécessaires (cf. les 2 options évoquées ci-dessus), les membres de la soumission conjointe devront désigner un nouveau Lead registrant et convenir du transfert des informations communes (et du partage des coûts).
Ce transfert est d’autant plus crucial quand l’ECHA demande à une entreprise de compléter la partie conjointe de son dossier d’enregistrement (procédure d’évaluation).
Classification & labelling
Si le Brexit fait de votre entreprise une importatrice de produits chimiques, vous devrez inscrire la conformité au CLP dans vos to do. Relèveront en effet de vos responsabilités :
- La classification, l’emballage et l’étiquetage des produits chimiques (substances et mélanges) ;
- La notification des substances à l’inventaire des classifications et étiquetages tenu par l’ECHA dans un délai d’un mois à compter de leur mise sur le marché. Sont visées les substances telles quelles ou contenues dans un mélange (et entraînant la classification de celui-ci comme dangereux) ;
- La notification au centre antipoison : les mélanges importés au sein de l’UE doivent être notifiés aux centres antipoison des États membres concernés avant leur mise effective sur le marché.
Que nous réserve 2021 ?
Beaucoup de moments enthousiasmants, nous vous le souhaitons !
Dans l’accord post-Brexit mentionné en introduction, deux pages et une rawette (reprises dans l’annexe TBT-3) concernent spécifiquement les produits chimiques. Elles témoignent d’un certain nombre de bonnes intentions de part et d’autre de la Manche. UE et Grande-Bretagne poursuivent les objectifs suivants :
- Faciliter le commerce des produits chimiques et des produits connexes entre les parties ;
- Viser un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé humaine et animale ;
- Assurer une coopération entre les autorités responsables de l’Union et du Royaume-Uni.
Que ce soit pour les sociétés européennes importatrices ou exportatrices de produits chimiques notamment, affaire à suivre, donc !